Voiture électrique chinoise sur le sol européen : concurrence déloyale et dumping ?
Tandis que l’Union européenne a validé l’interdiction des moteurs thermiques dans les véhicules neufs dès 2035, une certaine appréhension se manifeste en Europe, berceau de marques célèbres et qui a dominé l’innovation automobile pendant plus de 100 ans.
L’enquête de la Commission européenne
Actuellement, la Chine représente environ 8 % des ventes de voitures électriques en Europe. Cette montée en puissance mondiale s’illustre notamment avec le constructeur automobile chinois BYD a, pour la première fois, surpassé Tesla en termes de livraisons de voitures électriques au 4ᵉ trimestre 2023.
En réponse à la peur d’un afflux massif de voitures électriques chinoises sur le marché européen, l’Europe a initié en octobre 2023 une enquête sur les subventions accordées à ces véhicules en question.
Les marchés mondiaux sont aujourd’hui inondés de voitures électriques chinoises bon marché dont le prix est maintenu artificiellement bas par des subventions publiques massives.
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne
Cette enquête, limitée à 13 mois, devra évaluer l’ampleur des subventions chinoises dans ce secteur. En cas de concurrence déloyale avérée, l’Europe pourra imposer des droits de douane supplémentaires sur les produits concernés, conformément aux règles de l’OMC (Organisation mondiale du commerce).
Pour rappel, depuis le 1ᵉʳ janvier 2024, la France ne délivre un bonus écologique qu’aux véhicules électriques ayant un score environnemental jugé acceptable. Seuls les véhicules dont les émissions de CO2 lors de la production et du transport jusqu’au client final restent sous un certain seuil peuvent bénéficier de cette aide.
En plus de ce score environnemental :
- son poids doit être en dessous de 2,4 tonnes,
- son coût ne doit pas dépasser 47 000 € TTC hors options,
- et doit être alimenté par l’électricité et/ou l’hydrogène sans émission de CO2 à l’échappement.
En somme, cette mesure exclut tous les véhicules chinois.
Le verdict final de la Commission européenne
Après 9 mois d’enquête, le mercredi 12 juin 2024, la Commission européenne a temporairement établi que la chaîne de valeur des véhicules électriques à batterie en Chine était soutenue par des subventions jugées déloyales, posant ainsi une menace économique pour les producteurs de voitures électriques de l’Union européenne.
Ainsi, malgré l’opposition de plusieurs pays comme la Hongrie, l’Allemagne et la Suède, cette dernière a déclaré qu’elle instaurerait provisoirement des droits de douane atteignant 38,1% sur les importations de voitures électriques chinoises, une mesure qui risque de provoquer la colère de la Chine et d’entraîner d’éventuelles représailles. Ces droits provisoires viendront s’ajouter au tarif actuel de 10% sur les importations de véhicules neufs en Europe.
Désormais, en plus de la taxe de 10% sur les véhicules produits dans les usines chinoises dans l’UE, la Commission envisage d’imposer des droits compensateurs de :
- 17,4% pour le constructeur chinois BYD,
- 20% pour Geely,
- et 38,1% pour SAIC.
Concernant les autres fabricants, ceux ayant collaboré aux enquêtes se verront appliquer un droit de douane de 21%, tandis que ceux qui ne l’ont pas fait subiront un taux de 38,1%.
Ainsi, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Lin Jian, a rapidement critiqué « le comportement purement protectionniste » des Européens. De plus, il a prévenu qu’elle « mettra en œuvre toutes les mesures nécessaires pour défendre fermement ses droits légitimes ».
Le pays asiatique se défend en soutenant que ses entreprises ont conquis des parts de marchés principalement grâce à la qualité et aux innovations technologiques de leurs produits.
💡Le saviez-vous ? En 2023, la Chine a surpassé le Japon en tant que premier exportateur automobile mondial, après avoir investi très tôt dans les batteries.
L’Europe accorde désormais quelques semaines pour parvenir à un accord avec la Chine. Si les négociations avec les autorités chinoises échouent, ces droits compensateurs temporaires entreront en vigueur le 4 juillet 2024, sous la forme décidée par les douanes de chaque État membre. Cependant, il est important de préciser qu’ils ne seront prélevés que lorsque des droits définitifs seront effectivement instaurés.
Après l’instauration des droits provisoires, Bruxelles disposera de 4 mois pour appliquer des droits définitifs. Toutefois, ils peuvent être annulés si au moins 15 États membres, représentant 65 % de la population de l’UE, s’y opposent.
Notre objectif n'est pas de fermer le marché de l'UE aux véhicules électriques chinois, mais de veiller à ce que la concurrence soit loyale.
Valdis Dombrovskis, commissaire européen au Commerce
💡Le saviez-vous ? La semaine avant la décision de l’UE, les actions des constructeurs chinois de voitures électriques ont diminué à Hong Kong. Geely et XPeng ont vu leurs valeurs chuter d’environ 8 %, tandis que BYD a subi une baisse d’environ 3 %.
Côté américain, le 14 mai, le président Joe Biden a déclaré une augmentation des droits de douane sur les véhicules électriques chinois passant de 25% à 100%. Cette mesure vise à renforcer le marché américain, favorisant ainsi Tesla, le leader national.
L’impact de cette mesure sur les constructeurs automobile européens
À l’origine, ces initiatives ont été mises en place afin que l’Union Européenne puisse défendre son secteur automobile étant donné que cela :
- créer de nombreux emplois bien payés,
- promeut un programme environnemental visant à réduire les émissions de CO₂ du transport.
Malgré les différents projets de l’UE en faveur des véhicules électriques, certains pays européens ont fait face à des difficultés récentes, notamment en raison de la suppression des incitations à l’achat en Allemagne et dans d’autres marchés. En plus de cela, nous avons les droits de douane imposés par la Commission européenne qui s’ajoutent.
En effet, les fabricants allemands tels que Volkswagen et BMW se verraient affectés par un différend commercial suite aux dernières mesures. La raison ? Tous deux ont vendu 4,6 millions de véhicules en Chine en 2022, étant donc un marché clé pour leur activité.
De même que pour les deux autres constructeurs, la Chine représente 36 % des livraisons totales de , rendant ce dernier particulièrement exposé aux représailles.
Néanmoins, ce ne sont pas les seuls fabricants d’automobiles européens a exprimé leurs préoccupations. Des entreprises telles qu’Audi, Mercedes et Volkswagen effectuent pareillement environ 40 % de leurs ventes en Chine.
Les risques d'un conflit commercial majeur sont évidents et ses conséquences doivent être prises en compte.
Porte-parole de la fédération de l'industrie automobile allemande
Nous avons également Volvo, constructeur suédois appartenant au groupe chinois Geely, qui réalise 42 % de ses ventes en Europe et 24 % en Chine.
C'est une mauvaise idée (...) de démanteler le commerce mondial.
Premier ministre suédois Ulf Kristersson
En résumé, l’élévation des taxes pourrait provoquer des mesures de rétorsion à leur encontre.
C’est la raison pour laquelle les taxes ont été massivement rejetées par les constructeurs occidentaux, notamment Ola Källenius qui s’est exprimé à ce sujet, PDG de Mercedes-Benz, plaidant pour des marchés ouverts.
Nous ne fermons pas nos marchés aux sociétés étrangères, car nous ne souhaitons pas cela pour nos entreprises non plus.
Olaf Scholz, chancelier allemand
La contre-attaque des constructeurs chinois face à ces mesures
Rien que pour contrer la décision de mise en place d’un score environnemental sur les véhicules eco-friendly, la filiale MG de SAIC Motor en Chine a opté pour une réduction immédiate de 4 000 € sur tous ses modèles électriques et hybrides rechargeables.
De surcroît, le géant chinois BYD a fait part de son projet de bâtir une usine en Hongrie pour esquiver les sanctions économiques contre les modèles chinois.
De l’autre côté, suite à l’enquête menée par la Commission européenne, la Chine a lancé une enquête depuis janvier ciblant toutes les eaux-de-vie de vin importées de l’Union européenne, incluant spécifiquement le cognac. Mais ce n’est pas tout : d’après les médias d’État chinois seront visés aussi :
- le vin,
- le porc,
- les produits laitiers,
- et les véhicules à grosses cylindrées.
Pour rappel, les fabricants d’automobiles européens, notamment les Allemands, expriment leurs préoccupations. Des entreprises telles qu’Audi, BMW, Mercedes et Volkswagen effectuent environ 40 % de leurs ventes en Chine. L’élévation des taxes pourrait provoquer des mesures de rétorsion à leur encontre.
Les véhicules électriques concernés
Parmi les véhicules touchés par ces mesures punitives, nous retrouvons la Dacia Spring, un choix abordable pour de nombreux consommateurs européens, mais aussi le Volvo EX30, récemment élu voiture premium 2024, sont également impactés.
De plus, les nouvelles Smart #1 et Smart #3, ainsi que la Tesla Model 3 verront également leurs prix de vente potentiellement augmenter.
Ces modèles représentent une part importante du marché des véhicules électriques en Europe, rendant la hausse des tarifs d’autant plus significative.
De plus, la décision de l’Union européenne de retirer le bonus écologique pour les voitures fabriquées en Chine complique encore la situation pour les consommateurs.
Cette combinaison de facteurs risque de rendre l’achat de véhicules électriques moins attractif, ce qui pourrait freiner l’adoption de ces véhicules dans la région.
Conclusion
La décision de l’Union européenne d’imposer des taxes supplémentaires sur les véhicules électriques chinois est susceptible d’avoir un impact significatif sur le marché européen, affectant tant les constructeurs automobiles que les consommateurs.
Dorénavant, 2 questions majeures se posent :
- Quelles seront les conséquences à long terme sur la chaîne de production et les prix de vente finaux ?
- Quelles stratégies les constructeurs automobiles européens peuvent-ils adopter pour rester compétitifs ?
Nous verrons donc les évolutions de ce sujet dans les prochaines semaines. Restez branchés sur notre blog Beev pour ne louper aucune information électrisante !
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