Quels sont les fondements de cette proposition de loi ?
La proposition de loi pour renforcer les réglementations sur la décarbonation des flottes entreprise provient :
- d’une conscience croissante de l’urgence climatique
- mais aussi de la nécessité d’agir rapidement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Son objectif principal consiste à inciter les entreprises à augmenter l’adoption de véhicules électriques, accélérant ainsi la transition écologique du secteur automobile.
Les chiffres clés du secteur de la mobilité en France
Le secteur des transports reste le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre en France, avec presque 1/3 des émissions nationales en 2023, dont plus de 50% sont dus aux voitures des particuliers (et près de 70% en ajoutant les véhicules utilitaires légers).
C’est également le seul secteur dont les émissions n’ont pas baissé depuis 1990. À lui seul, le secteur des transports consomme près de la moitié des produits pétroliers importés par le pays, ce qui représentait en 2022 environ 28% du déficit commercial français.
Pourtant, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) vise une décarbonation complète du transport routier en 2050, et une baisse de 40% de ses émissions d’ici à 2030. Pour respecter ses engagements nationaux et européens, et pour réduire sa dépendance à des énergies fossiles importées, la France n’a d’autre choix que de mettre en œuvre rapidement l’ensemble des leviers de décarbonation de la mobilité.
Qui est à l’origine de cette initiative ?
Portée par le député du parti politique “Renaissance”, Damien Adam, cette dernière a été approuvée par la Commission développement durable de l’Assemblée nationale, ce 9 avril 2024, bien qu’avoir provoqué des réactions intenses et a été enrichie de plusieurs amendements. Cette avancée, obtenue après des difficultés, précède sa présentation en séance plénière le 30 avril à venir.
En effet, cela répond à un appel pressant à la transition écologique dans le secteur de la mobilité. En intégrant des mesures visant à encourager l’adoption de véhicules plus propres dans les parcs automobiles des entreprises, cette proposition de loi aspire à catalyser un changement significatif vers une mobilité plus durable.
Dans quel but cette proposition de loi est mise en place ?
Cette démarche résonne avec les engagements antérieurs, en particulier ceux énoncés par la loi d’Orientation des Mobilités (LOM) et la loi Climat.
Néanmoins, Damien Adam et ses alliés estiment que ces dispositions actuelles en faveur de l’écologie sont insuffisantes. Ils affirment également que l’absence d’un mécanisme de surveillance et de punitions adéquates entraînerait l’échec des initiatives visant à rendre les flottes plus écologiques.
En effet, d’après l’association Transport & Environment, 2/3 des entreprises ne respectent pas l’obligation d’intégrer des véhicules propres par l’achat ou en leasing professionnel, et presque toutes ne fournissent pas de rapports. En ce qui concerne la location à court terme, l’Avere-France identifie elle-même un besoin d’ajustement.
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Ainsi, cette proposition de loi vise à mettre en place un cadre plus rigoureux, caractérisé par des délais d’application plus proches et des amendes conséquentes pour les entreprises qui refusent de se conformer.
Rappel : qu’est-ce que dit la loi LOM ?
La Loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019 fait suite à un constat : le gouvernement souligne un désaccord entre la politique de transport actuelle et les exigences mondiales ainsi que les attentes citoyennes. Cette situation engendre deux problématiques :
- La rareté des transports en commun dans de nombreuses régions entraîne une dépendance à la voiture individuelle.
- L’urgence climatique, marquée par la pollution due aux transports, nécessite une intervention.
En d’autres termes, la LOM vise à transformer profondément la politique des mobilités pour rendre les déplacements quotidiens plus pratiques, moins coûteux et plus écologiques. Ainsi, les entreprises doivent installer des solutions de recharge pour leurs employés.
Les entreprises visées par cette loi sont celles qui emploient plus de 50 collaborateurs et possèdent une flotte automobile de plus de 100 véhicules (avec un poids total inférieur à 3,5 tonnes).
L’article A26 de la LOM préconise l’acquisition progressive de véhicules à faibles émissions, avec des objectifs précis :
- 20 % à partir du 1ᵉʳ janvier 2024,
- 35 % à partir du 1ᵉʳ janvier 2027,
- 50 % à partir du 1ᵉʳ janvier 2030.
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Quelles seront les nouveautés pour favoriser le passage à une flotte électrique ?
Comme énoncé brièvement ci-dessus, la séance a été caractérisée par des discussions animées et a illustré tant divergences qu’inquiétudes des diverses factions politiques concernant les répercussions de cette législation.
En effet, la fermeté de Damien Adam à l’égard des objectifs ambitieux de réduction des émissions a engendré des tensions, entraînant le départ de plusieurs députés. Parmi eux, Bruno Millienne du MoDem, qui avait précédemment été rapporteur de la mission sur les Zones à Faibles Émissions (ZFE).
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Un nouveau calendrier des quotas d’électrification
Comme énoncé précédemment, le texte initial du député Renaissance a suscité de forts débats, mais a également subit de nombreuses modifications via plusieurs amendements.
Ces amendements en question, étant au nombre de 9, ont principalement révisé le calendrier des quotas d’électrification, suggérant une flexibilité dans les délais préalablement proposés par Damien Adam.
Par conséquent, les seuils de renouvellement des flottes entreprises ont été reportés d’une année. À l’origine, le projet de loi proposait une progression du taux d’intégration des véhicules électriques lors des renouvellements de flottes à :
- 30 % en 2025,
- 40 % en 2026,
- 50 % en 2027,
- 60 % en 2028,
- 70 % en 2029,
- 80 % en 2030,
- 90 % en 2031,
- et 95 % en 2032.
Par conséquent, les seuils de transition ont été reportés d’une année, ramenant l’objectif initial de 30 % en 2025 à 20 %, et abaissant l’objectif de 95 % en 2032 à 90 %.
Ces ajustements reflètent la tentative de trouver un équilibre entre les exigences environnementales et les contraintes opérationnelles des sociétés.
Plusieurs sanctions seraient à prévoir
La proposition de loi sur la transition des flottes vers des véhicules plus écologiques a clarifié les sanctions en cas de non-respect des nouveaux objectifs d’électrification. Les amendements introduisent également des clarifications sur les sanctions en cas de non-conformité des entreprises à la réglementation. L’un d’eux propose une augmentation graduelle des amendes, ce qui pourrait être coûteux pour les sociétés en infraction.
Les sanctions financières, en vigueur à partir du 1ᵉʳ janvier 2026 et rétroactives dès 2025, varieront de :
- 2 000 € par véhicule manquant en 2025,
- 4 000 € en 2026,
- et jusqu’à 5 000 € en 2027.
De plus, cette proposition de loi a apporté des précisions en ce qui concerne les obligations de transmission des données sur les flottes.
À l’origine, une entreprise ne fournissant pas ces informations risquait une amende plafonnée à 10 000 €, susceptible de doubler en cas de récidive. Dorénavant, un amendement a modifié cette disposition, stipulant que l’amende ne devrait pas dépasser « 0,1 % du chiffre d’affaires français hors taxes du dernier exercice clos réalisé ».
Suite à cela, le député Bruno Millienne, co-rapporteur d’une mission flash sur le déploiement des ZFE, critique ce faible rétropédalage. Il estime que se limiter aux véhicules à très faibles émissions aggrave la situation des entreprises, le tout électrique ne répondant pas à tous les besoins.
Il déplore également la restriction des possibilités et l’acharnement du député Adam sur ce texte, potentiellement pour des raisons électorales locales. Millienne souligne que la loi ne doit pas être basée uniquement sur des données abstraites.
Incapable d’obtenir des explications concrètes, le groupe Modem et lui-même ont quitté la séance après 40 minutes.
Les assouplissements à venir
Comme nous l’avons vu, la proposition de loi de Damien Adam vise à renforcer les sanctions. Malgré cela, ce dernier souhaite inclure des mesures pour promouvoir le verdissement des flottes automobiles.
En effet, les prochaines mesures issues de la proposition de loi s’annoncent comme des leviers essentiels pour concilier les impératifs écologiques avec les réalités opérationnelles des entreprises.
L’éco-score
Une de ces mesures est l’intégration de l’éco-score comme critère de sélection pour les véhicules électriques utilisés par les entreprises, notamment pour pallier la suppression du bonus écologique des voitures acquises ou louées par les entreprises. Ceci favorise les modèles les plus respectueux de l’environnement, offrant un avantage aux entreprises qui choisissent des véhicules performants. Un amendement a été approuvé en conséquence.
Ainsi, le député suggère d’offrir un bonus de 20 % à ces voitures eco-friendly. En somme, une voiture électrique avec un éco-score aura un poids de 1,2 au lieu de 1. Par conséquent, lors de la mise à jour de leur flotte, une entreprise qui inclut 10 véhicules électriques éligibles recevra deux unités de bonus administratif.
Le rétrofit
La proposition de loi présente une autre particularité en excluant les véhicules hybrides rechargeables, favorisant ainsi les modèles entièrement électriques. Des amendements ont été approuvés pour rendre cette disposition plus flexible. Désormais, les véhicules rétrofités (conversion de véhicules thermiques en électriques) sont pris en compte, ainsi que les quadricycles lourds et les tricycles motorisés. En revanche, la proposition de réintégrer les véhicules hybrides et les biocarburants, soutenue par les députés Horizons, MoDem et Liot, n’a pas été acceptée.
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Les véhicules utilitaires électriques
Pour finir, Antoine Villedieu, député du RN, a proposé un amendement pour exclure les véhicules utilitaires du dispositif, arguant que l’offre de véhicules utilitaires électriques ne répond pas encore à tous les besoins des flottes. Cette perspective est partagée par le député Damien Adam, qui a toutefois exprimé un avis défavorable. Il a souligné qu’un décret dans sa proposition de loi tenait déjà compte de cette cohérence avec la disponibilité des produits, et il ne souhaitait pas exclure totalement les utilitaires branchés, notant qu’ils sont largement exportés.
En outre, un amendement spécifique concerne la location courte durée et l’autopartage, proposant un calendrier d’électrification progressif avec une évaluation en 2027 pour ajuster si nécessaire.
La location courte durée et l’autopartage
Peu avant la proposition de loi du 9 avril, les professionnels de la Location Courte Durée, regroupés sous l’étendard de Mobilians, avaient convié certains journalistes spécialisés pour exprimer leurs préoccupations concernant ce sujet.
De ce fait, Damien Adam semble avoir partiellement pris en compte leurs préoccupations avec l’adoption d’un amendement en ce sens. Celui-ci inclut un calendrier dédié aux acteurs de la Location Courte Durée et de l’autopartage, assorti d’une clause de réexamen programmée pour 2027.
Les loueurs de plus de 100 véhicules seront soumis à ces seuils, mais les utilitaires restent une préoccupation sans solution pour les loueurs courte durée.
Que pouvons-nous en conclure ?
La transition vers une mobilité plus propre est en marche et la nouvelle proposition de loi en est un signal fort. Si 60% des entreprises concernées par la loi LOM ne respectent pas encore les quotas actuels, cette proposition de loi pourrait bien sonner la fin du « tout thermique » dans les flottes de véhicules à moyen terme.
En favorisant l’adoption de véhicules électriques et en encourageant l’innovation dans le domaine de la mobilité durable, cette initiative ouvre la voie à une transformation positive de notre environnement urbain et de nos modes de déplacement.
N.B : l’association Avere-France a insisté sur la nécessité de rester vigilant afin de préserver un niveau d’ambition élevé et d’éviter toute diminution des objectifs pouvant compromettre les efforts de décarbonation de l’industrie.
La réunion plénière programmée le 30 avril marquera un moment décisif pour le devenir de cette proposition de loi. Elle engendrera un débat sur les stratégies optimales pour concilier les exigences écologiques et les impératifs économiques, permettant ainsi des adaptations éventuelles avant son adoption finale.
Pour plus d’informations, nous avons rédigé un guide relatant de cette thématique afin d’explorer en profondeur les différents aspects du sujet :
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